Journal de marche

Denis Deprez
Publié par Koalath et Alt éditions - 11/2023
Livre 22 x 29,7 cm - texte / images  - 496 pages Prix : 58 €
Le projet « Journal de marche » peut être lu à travers cette intuition / intention, un dispositif de lecture qui traduit une expérience de déplacement, de quelque chose qui n’est pas à sa place ou qui la cherche.

 


En géologie, le terme onlap exprime le fait que deux strates suite à un mouvement sismique sont mises en discordance, il y a un glissement et un déplacement qui installent une discontinuité.

C’est la logique contenue dans le terme “onlap” qui a guidé la construction du livre. Une première partie rassemble les marches entre 2017 et 2023, une seconde partie est constituée par un assemblage d’extraits de textes d’origines diverses, thèse en géologie, annonces immobilières, architectures, écologie, sociologie, histoire vernaculaire, accident d’avion,  etc.. 

Dans cette seconde partie, il y a aussi des archives, des schémas géologiques, des cartes d'hydrologies, des équations qui sont une autre manière de dessiner les contours du Massif du Dévoluy. Un tableau reprend les dépenses militaires à travers le monde. En dérivant à travers ces extraits de texte, on peut ressentir cette sensation d’être dans un lieu de discours qui nous échappe. Le sens dérape.



Le onlap opère entre les deux parties du livre, il y a discordance.

Dans la première partie consacrée aux images, j’ai testé des protocoles pour sortir de « mon » regard, pour laisser opérer des paramètres qui d’une certaine manière objectivisent le relevé photographique. Par exemple : 

a/
  • prendre une règle d’archéologue de cinquante centimètres et la planter au hasard de la marche. 
  • faire trois pas en arrière et cadrer en plaçant la règle de cinquante centimètres au centre de l’image

b/ 
  • tout en marchant, tourner l’objectif de la caméra vers le sol
  • ne pas cadrer
  • laisser le rythme de la marche donner le mouvement au cadre

c/
  • placer l’objectif tourné vers le sol
  •  dans un mouvement panoramique ascendant, faire des prises de vue en rafales
  • terminer par une vue en direction du sol
J’ai marché en laissant dériver mon regard, dans cette conscience de ne pas comprendre ce que j’avais sous les yeux. D’être dans une discordance de déplacement avec les mondes de la montagne. En suivant cette logique, ici et là, il y a des ruptures de rythme, on passe d’un protocole à une vue très subjective, comme si, le regard était de nouveau happé par l’immensité de l’espace minéral, perdu. J’ai parfois inclus des vidéogrammes extraits de moments filmés où je laisse aller le regard en lâchant prise sur l’objectif.

Dans la seconde partie de fragments de textes et de schémas/tableaux, c’est un peu comme marcher dans un pierrier, une coulée de textes qui a tendance à se dérober sous les pas.

L’ensemble des extraits de textes sont tous (pour la plupart) soit directement lié au Massif du Dévoluy soit en lien avec des questions de représentation du territoire.

Le dispositif graphique de « Journal de marche » évoque des livres d’urbanisme ou d’architecture pour renvoyer à cette idée d’un espace qui est quadrillé par les normes, que la montagne n’est pas une « nature sauvage » mais est un sujet soumis à un ensemble de juridictions, inscrites dans des discours scientifiques, législatifs ou autre, bref dans un écosystème régit par des rapports de force. 

C’est sans doute une exposition consacrée au groupe d’architectes italiens Super studio et leur manifeste du Monument continu, une sorte d’étalement hégémonique et dystopique de la grille dans le paysage qui a conduit de manière souterraine ma réflexion sur le livre.

Il y a aussi le fait d’une recherche toujours en cours, de l’impossibilité de clôturer le processus engagé. De la vision d’une montagne devenue espace clôturé de normes et d’injonctions diverses mais où la clôture n’est pas totale, qu’il reste des brèches où peut s’engouffrer la sérendipité d’une recherche.








Koalath

fr. Créé en 2015, Koalath est une association qui développe un atelier d’édition indépendante (micro-édition) et en coédition (Atelier Graphoui, Alt éditions, Vives voix…). 

Koalath est un lieu de rencontres qui offre espace et temps d’échanges avec des artistes en cours de projet. Les étapes intermédiaires du cheminement font partie de l’ensemble du processus créateur, chacune d’elles est digne d’intérêt. 

Nos pratiques artistiques se nourrissent d'autres champs d’expériences et de connaissances (anthropologie, architecture, urbanisme, géologie, psychologie...) et produisent des réassemblages à travers des pratiques transversales (photos, dessins, vidéos, écritures, installations). À travers elles, nos projets tentent de révéler les différentes strates qui composent le réel. 
Les sites en mutation, les mémoires et les archives dessinent les différentes lignes de recherches d’où émergent les projets de l’association. 

L’atelier d’édition explore différentes formes du livre d’artiste en questionnant la dynamique et l’adéquation entre le contenu et la forme (cahiers, affiches narratives, livres reliés…).

Nos publications, composées d'images et de textes, sont le résultat d'un travail sur le long terme en fonction de protocole particulier à chaque projet. Ils s’accompagnent souvent d’expositions et de productions audiovisuelles.

eng. Founded in 2015, Koalath is an association that develops an independent publishing workshop (micro-publishing) as well as co-publishing projects (with Atelier Graphoui, Alt Éditions, Vives Voix, among others).

Koalath is a meeting space that offers time and room for exchange with artists in the midst of their creative processes. The intermediate stages along the way are an integral part of the overall creative journey—each one is meaningful and worthy of attention.

Our artistic practices draw from other fields of experience and knowledge (anthropology, architecture, urban planning, geology, psychology...) and give rise to new assemblages through cross-disciplinary methods (photography, drawing, video, writing, installations). Through these approaches, our projects aim to reveal the different layers that make up reality.
Sites in transition, memories, and archives shape the various lines of research from which the association’s projects emerge.

The publishing workshop explores various forms of the artist’s book, questioning the dynamic and coherence between content and form (booklets, narrative posters, bound books, etc.).

Our publications—composed of images and texts—are the result of long-term work developed according to protocols specific to each project. They are often accompanied by exhibitions and audiovisual productions.